NOS COUPS DE COEUR

A fleur de peau : la Perse en majesté avec les frères Haerizadeh et Hesam Ramanian aux côtés de Golshifteh Farahani

L’excellente galerie In Situ, dans ses nouveaux espaces magnifiques de Romainville, présente du 14/05 au 15/07/2023 un talentueux et déjà reconnu trio d’artistes persans: Ramin Haerizadeh, Rokni Haerizadeh et Hesam Rahmanian. Les deux premiers sont frères, le troisième est leur ami de longue date et ensemble ils forment un collectif aussi inattendu que créatif, comme le prouve THE BEAUTIFUL DECAY OF FLOWERS IN THE VASE.

Golshifteh Farahani était présente au vernissage de cette exposition singulière à laquelle BIEN EN PLACE a eu l’honneur d’assister également par le biais de son président, Raphaël Chantoiseau et de Jean-Baptiste Chantoiseau, directeur des musées littéraires Rouen Normandie.

Dès l’entrée de l’exposition, on est saisi par le caractère à la fois transgressif, coloré et engagé du trio Haerizadeh/Rahmanian. Tels des personnages dotés de tentacules, des tiges en fer arborent des séries d’assiettes toutes peintes à la main et reprenant des thématiques d’une actualité hélas trop réelle ; guerre, violence faite aux femmes, racisme… Ces représentations sont accompagnées de courtes légendes et du choc entre les mots et l’image résonnent un message empreint d’inquiétude et de gravité. Cette forêt de symboles, comme le disait Baudelaire des arbres, nous convie au cœur d’une danse vertigineuse ; le mouvement de ces structures jonglant entre les assiettes illustre le réseau mondial dans lequel nous vivons au quotidien, envahi d’images en permanence.

Les tableaux du trio mettent en scène d’autres enfers contemporaines. Des personnages ou formes que l’on croirait sortis tout droit des toiles de Brueghel ou de Bosch toisent le spectateur et abolissent les frontières entre animalité et humanité. La Flandres a envahi les trottoirs de New York ou des grandes cités capitalistes ; des anonymes participent au spectacle et de cette féerie moderne on retient un vague sentiment d’inquiétante étrangeté. Celle-ci est redoublée dans les vidéos permettant aux artistes de se filmer eux-mêmes, sous des masques étranges, dans les coulisses de leurs créations ; des coulisses synonymes de fantaisie, d’absurdité et de poésie et qui en disent long sur leur manière d’appréhender l’univers.

Un vent de liberté souffle donc entre les murs blancs de cette exposition jubilatoire ; aussi était-ce une immense émotion que de pouvoir y retrouver l’artiste Golshifteh Farahani dont le combat pour la liberté en Iran se poursuit, avec ferveur, depuis de nombreux mois, pour qu’un jour l’art, sous toutes ses formes, mais aussi l’amour, la liberté et la joie aient de nouveau droit de cité dans ce pays millénaire, à la beauté incomparable, mais coupé de ces racines. Ramin Haerizadeh, Rokni Haerizadeh et Hesam Rahmanian délivrent ici une sève source d’espérance.

La rédaction de Bien en place.

Cannes 2023 sous le signe de l’Italie

L’Italie est « un grand pays de cinéma », qui a « surmonté et surmonte » la crise de l’industrie cinématographique : c’est le message lancé par le délégué général du Festival de Cannes, Thierry Frémaux, répondant à l’ANSA à Paris, en marge de la présentation de la sélection officielle sur la Croisette.

Trois films italiens sont sélectionnés pour la compétition au Festival de Cannes cette année : Nanni Moretti avec « Le soleil du futur », Marco Bellocchio avec « Kidnappé » et Alice Rohrwacher avec « La Chimère ».

« Il Sole dell’Avvenire », sorti dans les salles italiennes le 20 avril 2023, a récolté en seulement trois semaines un bon trois millions d’euros de recettes et propose une vision « purement morettienne » du monde du cinéma, de la société, de la politique et des relations, qui s’entremêlent dans la vie du personnage principal, joué par Moretti lui-même. Le casting comprend quelques acteurs amis de Moretti, comme Margherita Buy et Silvio Orlando, mais aussi des nouveaux venus comme Mathieu Amalric et Barbora Bobulova.

Marco Bellocchio, capture grandement l’attention avec son nouveau film, anciennement intitulé « La Conversion », mais désormais rebaptisé « Kidnapped ». Ce long-métrage s’inspire d’un événement historique qui a eu lieu à Rome en 1858, lorsqu’un garçon juif de sept ans, nommé Edgardo Mortara, a été enlevé par les États pontificaux et converti à la foi catholique.

Le film raconte directement et explicitement ce qui est arrivé à cet enfant et à sa famille en ces temps sombres de l’histoire italienne. L’affaire a attiré l’attention de Steven Spielberg, qui envisageait d’en faire un film, mais a finalement renoncé.

Edgardo Mortara devint plus tard prêtre et missionnaire et Bellocchio révèle qu’il est mort à l’âge de 90 ans en Belgique, lors de l’invasion nazie du pays, victime de neurasthénie.

Le film « Kidnapped » est interprété par des acteurs de haut niveau, dont Paolo Pierobon, Fausto Russo Alesi, Barbara Ronchi et la jeune Enea Sala. Le film est une œuvre importante et puissante qui explore un chapitre sombre de l’histoire italienne et, comme toujours avec Bellocchio, on peut s’attendre à un récit fort et courageux.

Alice Rohrwacher est de retour en sélection officielle à Cannes avec son nouveau film « La Chimère », après 5 ans d’absence. « Cannes est un Festival qui m’a vu grandir et qui m’a donné la liberté de continuer à chercher et à expérimenter », déclare la réalisatrice, remerciant Thierry Frémaux et le comité de sélection pour leur confiance.

Le film, écrit et réalisé par Rohrwacher, se déroule dans les années 1980 dans le monde clandestin des pilleurs de tombes et raconte l’histoire d’un jeune archéologue anglais impliqué dans le trafic clandestin de découvertes archéologiques. Le casting comprend Josh O’Connor, lauréat d’un Emmy pour son interprétation du prince Charles dans « The Crown » 3 et 4, Isabella Rossellini, Carol Duarte, Alba Rohrwacher et Vincenzo Nemolato.

Trois  films en compétition qui présentent tous des éléments de grande qualité et d’originalité, et chacun d’eux pourrait représenter un candidat sérieux à la prestigieuse Palme d’Or au Festival de Cannes.

Dans l’espoir de pouvoir revoir la Palme d’or décernée à un film italien, comme ce fut le cas en 2001 pour « La chambre du fils » de Nanni Moretti, l’équipe de Bien en Place suivra le déroulé du festival, en étroite collaboration avec ses émissaires Esther Heboyan, Samina Seyed, Raphaël Chantoiseau, Jean-Baptiste Chantoiseau, Riccardo Pedica et Anna Papageorgiou.

Riccardo Pedica

Traduction italienne :

L’Italia è « un grande Paese di cinema », che ha « ha sormontato e sormonta » la crisi dell’industria cinematografica: questo,, il messaggio lanciato dal delegato generale del Festival di Cannes, Thierry Frémaux, rispondendo all’ANSA a Parigi, a margine della presentazione della selezione ufficiale sulla Croisette.

Sono infatti tre i film Italiani selezionati per il concorso al Festival di Cannes di quest’anno : Nanni Moretti con “il sole dell’ avvenire ” Marco Bellocchio con « Rapito ». e Alice Rohrwacher con « La Chimera », 

Il Sole dell’Avvenire, distribuito nelle sale italiane il 20 aprile 2023, in sole tre settimane ha conquistato ben tre milioni di euro di incassi e offre una visione “puremente morettiana” del mondo su cinema, società, politica e relazioni, che si intrecciano nella vita del personaggio principale, interpretato dallo stesso Moretti. Il cast comprende alcuni attori amici di Moretti, come Margherita Buy e Silvio Orlando, ma anche delle novità come Mathieu Amalric e Barbora Bobulova. Il film ha suscitato un grande dibattito sulla stato della sinistra italiana, portando alla luce anche il tema della rivoluzione di spirito antisovietico in Ungheria del 1956, che ha avuto un impatto significativo sulla caduta del sostegno alle idee del bolscevismo tra i cittadini delle nazioni del blocco occidentale

Marco Bellocchio, cattura invece l’attenzione , grazie al suo nuovo film, precedentemente intitolato « La conversione », ma ora ribattezzato « Rapito ». Il film si ispira ad un evento storico accaduto a Roma nel 1858, quando un bambino ebreo di soli sette anni, di nome Edgardo Mortara, fu rapito dallo Stato Pontificio e convertito alla fede cattolica.

Il film racconta in modo diretto ed esplicito ciò che accadde a quel bambino e alla sua famiglia in quei tempi oscuri della storia italiana. La vicenda attirò l’attenzione di Steven Spielberg, che pianificò di realizzarne un film, ma alla fine rinunciò.

Edgardo Mortara divenne poi prete e missionario, e Bellocchio ha rivelato che morì all’età di 90 anni in Belgio, durante l’invasione nazista del paese, segnato dalla nevrastenia.

Il film « Rapito » è interpretato da attori di alto livello, tra cui Paolo Pierobon, Fausto Russo Alesi, Barbara Ronchi e il giovane Enea Sala. La pellicola è un’opera importante e potente che esplora un capitolo oscuro della storia italiana e, come sempre con Bellocchio, si può aspettare una narrazione forte e coraggiosa.

Alice Rohrwacher torna in selezione ufficiale a Cannes con il suo nuovo film « La Chimera », dopo 5 anni di assenza. « Cannes è un Festival che mi ha visto crescere e che mi ha dato la libertà di continuare a cercare, a sperimentare » dichiara la regista, ringraziando Thierry Frémaux e il comitato di selezione per la fiducia accordatale.

Il film, scritto e diretto da Rohrwacher, è ambientato negli anni ’80 nel mondo clandestino dei « tombaroli », e racconta la storia di un giovane archeologo inglese coinvolto nel traffico clandestino di reperti archeologici. Il cast comprende Josh O’Connor, premio Emmy per la sua interpretazione del principe Carlo in « The Crown » 3 e 4, Isabella Rossellini, Carol Duarte, Alba Rohrwacher e Vincenzo Nemolato.

Tre film in concorso che presentano tutti, elementi di grande qualità e originalità, e ciascuno di essi potrebbe rappresentare un forte contendente per la prestigiosa Palma d’Oro del Festival di Cannes.

Nella speranza di poter rivedere la Palma D’oro assegnata ad un film italiano come successe nel 2001 per “La stanza del figlio” di Nanni Moretti, l’equipe di Bien en Place seguirà lo svolgimento del festival da vicino con i suoi inviati Esther Heboyan, Samina Seyed, Raphaël Chantoiseau, Jean-Baptiste Chantoiseau, Riccardo Pedica et Anna Papageorgiou. 

L’art face aux catastrophes : un colloque performatif de haute tenue par la Fondation Savchuk au Palais de Tokyo le 4 mai 2023

En ces temps particulièrement troublés, l’art est une nécessité, plus que jamais. La pandémie du Covid l’avait déjà largement démontré : sans les livres, l’écriture, les films, la contemplation de peintures ou d’œuvres ouvrant d’autres horizons, que serions-nous devenus ? A l’heure où sévissent les guerres, et en particulier le conflit entre la Russie et l’Ukraine, il apparaît urgent de réfléchir aux nouvelles modalités faisant de l’art un moyen clé pour guérir, soulager et apaiser, en particulier les enfants.

C’est en ce sens que la fondation Aleksandr Savchuk, partenaire du Palais de Tokyo dans le cadre du Cercle Art & Société, a organisé avec l’Institut ACTE – Université Paris 1 Panthéon Sorbonne et l’Académie nationale des Arts d’Ukraine un colloque performatif au Palais de Tokyo le jeudi 4 mai 2023, sur le thème : « Face aux catastrophes naturelles, guerre et la pandémie : quel est le potentiel thérapeutique de l’art ? »

Scientifiques, chercheurs, critiques d’art, commissaires et spécialistes de thérapie et de psychanalyse sont intervenus sur ce terrain fécond, et pas encore assez exploité, des liens entre art et science. Construction et co-construction de scénarios réparateurs, identification, projection d’images curatives ont ouvert la réflexion et l’imagination vers des pistes nouvelles et un partage d’expérience fort instructif pour l’auditoire. La vidéo-performance « art & care » sur laquelle s’est achevée cette journée a montré plus particulièrement le potentiel libérateur de la danse, mise en mouvement et dépassement de nos émotions et de nos traumas profondément enfouis.

La journée s’est conclue par une très belle soirée sur l’une des terrasses du Palais de Tokyo. La poésie des toits de Paris est toujours aussi inimitable. Un grand merci à Alexsandr Savchuk pour cet événement important et à notre très chère amie Ilona Orel. Bien en place vous invite à soutenir Aleksandr Savchuk Foundation dans ses actions.

Photographies : Natalia Bogdanovska ; https://natalia-bogdanovska.com/disk/colloque ; @bogda_news_france

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http://www.aleksandr-savchuk-foundation.org

Un enchantement : la 76e édition du Festival de Cannes arrive…

L’affiche officielle de la 76ème édition du Festival de Cannes est superbe. Elle a été réalisée par le studio de création visuelle Hartland Villa où Lionel Avignon et Stefan de Vivies imaginent/ré-imaginent les images. L’affiche est un montage à partir d’une photographie de Catherine Deneuve prise par Jack Garofalo en juin 1968 sur le tournage de La Chamade d’Alain Cavalier. La scène se passe sur la plage de Pampelonne à Ramatuelle, non loin de Saint-Tropez. Deneuve a vingt-cinq ans, un âge qu’on dirait idéal pour être femme et actrice. Elle dégage une luminosité déjà légendaire. L’actrice a appris à se figer pour les besoins de la pose tout en cultivant la spontanéité. L’instant immortalisé est celui de la promesse. Promesse d’une vie et d’une carrière à bâtir. Promesse de l’instant présent qui octroie à Deneuve le privilège de la liberté d’être soi. Le sourire qu’elle esquisse, le regard dirigé vers le hors-champ et la chevelure blonde qu’elle sculpte par sa propre gestuelle font de Deneuve une créature hors de ce monde, un personnage de cinéma. Deneuve se rêve en star, est devenue star. En ces années-là, elle pourrait rivaliser avec Claudia Cardinale, Ursula Andress, Julie Christie, Natalie Wood, Jane Fonda…

Le noir et blanc de l’affiche cultive la légende du cinéma qui a pour vocation de créer des images-légendes à partir des réalités du monde. Ce noir et blanc, empreint d’un dynamisme à la fois formel et sensuel, imite et dépasse toutes les périodes du cinéma, se projette dans l’intemporel. On songe à Jean Renoir (La Règle du jeu), Orson Welles (La Splendeur des Amberson), Federico Fellini (La Strada), Yasujiro Ozu (Voyage à Tokyo)…  L’année même où Steven Spielberg dans The Fabelmans remonte aux sources de son amour pour le cinéma et décrit l’éclosion de son génie, les concepteurs de l’affiche du 76ème Festival international du film à Cannes nous content l’histoire du cinéma à travers une esthétique épurée. La composition et le graphisme hésitent entre le visible/le lisible et l’évanescence. La verticalité des inscriptions en lettres blanches sur fond noir, ou en lettres noires sur fond blanc dans la seconde affiche, évoque les génériques de films japonais. La silhouette de Deneuve se superpose aux aplats du paysage marin, se dresse avec netteté comme une incarnation poétique alors que l’espace physique – terre, mer, ciel de la Côte d’Azur – s’estompe, se désincarne sous nos yeux. Inspirée par les œuvres de Hokusai et de Hiroshige, l’affiche honorant le 7e art et l’une de ses icônes, fait la part belle à l’imagination.

©Esther Heboyan, 2023

Cette année encore, l’équipe de Bien en Place sera présente à Cannes du 16 au 28 mai 2023 pour vous tenir informés des projections et autres manifestations : Esther Heboyan, Samina Seyed, Raphaël Chantoiseau, Jean-Baptiste Chantoiseau, Riccardo Pedica et Anna Papageorgiou. Notre association propose des services : critiques de films, présentations, traductions (persan, français, anglais, espagnol, italien, grec) et événementiel / rencontres et rendez-vous pour vos projets. N’hésitez pas à écrire au bureau Bien en place : assobep@gmail.com ; + 33 7 86 52 42 13

« Comme une actrice »… bien en place ! Rencontre avec Julie Gayet et l’équipe du film de Sébastien Bailly

Avant-première à Paris le 7 mars 2023 de « Comme une actrice », en présence de Julie Gayet et de l’équipe du film. L’association Bien en place était présente, histoire de renouer avec les bonnes habitudes à deux mois du Festival de Cannes !

Ce long-métrage offre un rôle magnifique à Julie Gayet, qui incarne une comédienne de 50 ans en crise dans son couple comme dans vie. Agathe Bonitez est épatante aussi. Dédoublement, folie et émotion ponctuent le récit et l’esthétique de ce premier film de Sébastien Bailly qui est sorti le mercredi 8 mars 2023, à l’occasion de la journée internationale des femmes. Un grand bravo à épicentre films et des remerciements à Corentin Sénéchal pour cette belle invitation. Le film est soutenu par la région Île-de-France et la soirée de cocktail s’est magnifiquement déroulée en présence, notamment, de Valérie Pécresse mais aussi de Jack et Monique Lang et Simon Riaux.

Photo : Philippe Baldini

La rédaction de Bien en place
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Pour une année tout en créativité : un 2023 Bien en place !

Franck Sorbier présentait ses collections et son nouveau film « Pérégrination » à l’hôtel Raphaël, Paris, du 25 au 27 janvier 2023. Il est entouré par Jean-Baptiste et Raphaël Chantoiseau, une équipe plus que jamais « bien en place ». Raphaël Chantoiseau tient un médaillon royal offert par son SAI Farah Pahlavi. Photo : Laurent-Stéphane Monfort.

Une année 2023 BIEN EN PLACE

L’équipe de bien en place vous souhaite une année sous le signe de la créativité, de l’amitié et de la liberté.

« C’est le flux. Soudain on est arrivé. Le fleuve vous a déposé au rivage. » 

Sylvain Tesson, Blanc, Paris, Gallimard, 2022, p. 94.

Puisse ce nouveau chapitre vous offrir de belles pages que nous rêvons d’écrire ensemble. Littérature, cinéma, musée, festivals : la culture doit être présente plus que jamais dans nos vies et dans nos cœurs. Une année placée sous le signe du combat et de la résilience pour redessiner le monde dans lequel nous voulons vivre, en Iran notamment, et dans tous les territoires animés par une soif de vivre et de liberté.

TRES BONNE ET HEUREUSE ANNEE BIEN EN PLACE

Jean-Baptiste et Raphaël Chantoiseau, pour la présentation de la collection Franck Sorbier à l’hôtel Raphaël, Paris, janvier 2023. Photo : Laurent-Stéphane Monfort.

Festival Regards d’Iran – du 3 au 5 février 2023 – Paris 14

Festival « Regards d’Iran », voir l’Iran autrement

Avec son association Écrans des Mondes créée en 2007, le cinéaste et producteur franco-allemand Michel Noll s’intéresse aux cinémas documentaires de zones géoculturelles porteuses de civilisations millénaires. Il a commencé dans une approche associative qui se devait d’avoir une cohérence éditoriale, dit-il[1].  L’aventure a débuté avec « Écrans de Chine » en 2009, puis s’est poursuivie avec « Focus Corée », « Docs d’Afrique » et « GrecDoc ». Depuis 2022, Michel Noll programme « Regards d’Iran ». En avril 2023, il y aura un festival sur le Japon, « Un petit air du Japon ».

L’idée est de donner leur chance à des réalisateurs indépendants et de présenter « une mosaïque d’images sur un pays ». Les réalisateurs sont appelés à soumettre leur œuvre inédite ou bien une œuvre qui n’a pas été suffisamment diffusée et qui reste inconnue du public occidental. En tant que cinéaste, Michel Noll est bien entendu motivé par la qualité des œuvres. S’il arrive parfois qu’un film soit « cinématographiquement faiblard », il peut quand même être sélectionné en raison du problème sociétal dont il traite. Ainsi, l’édition 2023 sur l’Iran évoque divers aspects de la société iranienne – le quotidien des gens modestes, la grandeur d’une cité antique, l’empathie pour des animaux blessés, la solidarité en cas de catastrophe naturelle, des sujets tabous, l’attentat commis dans un cinéma de quartier, un refuge pour femmes, l’initiation au sport des filles nomades, un système d’irrigation millénaire, la peine de mort …   

Michel Noll a réalisé et/ou produit plus de 200 films – animation, musique classique, fiction jeunesse, téléfilms, longs-métrages, documentaires. Ses documentaires  La route du thé, Secrets du Grand Mékong, Le long de la Grande Muraille sur la Chine, La route des oliviers sur la Méditerranée et Frères ennemis sur la Corée ont été diffusés sur Arte et sur ZDF-Info en Allemagne. La chaîne allemande a rediffusé plus d’une cinquantaine de fois le film sur la Corée. Le nombre de rediffusions a de quoi étonner, mais le réalisateur a une explication : le film rappelle sans doute aux Allemands que l’Allemagne a été longtemps divisée par le Rideau de fer.

Michel Noll est un grand voyageur qui a parcouru de nombreux pays sur de longues périodes,   la Chine sur vingt ans, le Mexique et l’Australie sur dix ans. L’homme est un humaniste érudit, qui n’a pas encore étanché sa soif de connaissances et ne veut se contenter ni des représentations officielles qui seraient de la propagande ni d’informations hâtives ou partiales rapportées par les médias occidentaux. Motivé pendant trente ans par « une envie urgente de partir », Noll a beaucoup travaillé en allant d’une zone géographique à l’autre. Les festivals de films documentaires sont la résultante de ses activités de découvertes.

En tant que documentariste, Michel Noll reste « profondément attaché aux faits réels », mais n’exclut pas d’élargir le champ du documentaire jusqu’à inclure de la fiction au service du réel, faisant découvrir des œuvres à l’écriture hybride. Pour l’Iran, il s’agit de « partager le destin de ce peuple qui depuis vingt ans vit des dérives ». Le premier festival « Regards d’Iran » s’est déroulé en février 2022. Le documentaire primé Radiographie d’une famille de Firouzeh Khosrovani, mêlant habilement fiction et archives, a été reprogrammé au cinéma L’Entrepôt le 12 janvier 2023. En mai 2022, Firouzeh Khosrovani a été emprisonnée, puis relâchée sous caution au bout d’une semaine. Son documentaire retrace les changements intervenus dans la société iranienne ainsi que dans sa famille où elle a grandi entre un père séculier et une mère pieuse. Photos de famille, narrations et dialogues off, images d’archives et une mise en scène, à la fois scrupuleuse et poétique, dans l’appartement familial à Téhéran donnent au documentaire une dimension tant symbolique que personnelle.

Le second festival « Regards d’Iran » aura lieu du 3 au 5 février 2023. Michel Noll dit avoir reçu une cinquantaine de films. « J’organise un appel à films très largement publié sur les réseaux sociaux, auprès des influenceurs académiques en France (CNRS, EHESS, Chercheurs), l’Ambassade de France en Iran, mon network iranien de cinéastes, notre site, les organisations de documentaristes iraniens, » explique-t-il.

Noll a été contacté par l’Ambassade d’Iran mais n’a pas retenu leur sélection. « J’ai lu les synopsis, cela suffit pour savoir qu’il s’agit de propagande. La ligne éditoriale du festival s’appuie sur des films qui s’intéressent aux Iraniens et leurs joies, problèmes, rêves, angoisses dans leur vie quotidienne. C’est un festival sociétal. Par exemple, la gestion de l’eau en Iran en tant que telle ne m’intéresse pas. En revanche, comment un homme et sa famille se débrouillent pour avoir de l’eau dans le désert, ça oui. Avec Forteresse éternelle, on découvre, chemin faisant, un système très ingénieux d’irrigation, authentiquement iranien. Le festival n’est donc pas un organe de l’État iranien pour diffuser ses informations. C’est un événement qui réunit des témoignages, des regards de cinéastes iraniens sur le quotidien de leurs concitoyens. À ce titre, c’est un observatoire intersubjectif de la société iranienne contemporaine. »

La sélection 2023 de « Regards d’Iran » comprend 9 documentaires, des courts, moyens et longs métrages. Le Festival du cinéma documentaire européen se fait en partenariat avec le cinéma L’Entrepôt situé dans le 14ème arrondissement de Paris[2]. Par ordre de programmation :

Féminité (2020) de Mohsen OSTAD ALI raconte le quotidien de cinq femmes marginalisées dans un foyer au sud de Téhéran. Des femmes solitaires que l’on encadre et que l’on encourage à se prendre en charge. Des droguées et prostituées qui cohabitent dans des circonstances tantôt sereines tantôt éprouvantes. Filmées de face, en trois-quarts, ou de dos, les femmes parlent, se racontent sans jamais croiser notre regard. Pour certaines, le désespoir est irréversible. Pour le spectateur, le salut vient parfois du silence d’un plan – la terrasse du foyer vue dans l’encadrement d’une porte, un oiseau niché dans un mur.

Car Wash (2019) de Mohsen SAKHA, déjà sélectionné au Festival du Film Kurde à Londres en 2021, conte l’histoire d’un jeune couple de Marivan, une ville à l’ouest de l’Iran, dont la station de lavage automobile sert aussi de refuge aux animaux blessés. Toutefois, l’écureuil Matilla semant la zizanie dans le couple, il faut envisager son retour à la nature. Le court-métrage, mené à belle cadence, dégage humour et tendresse sans emphase.

& Liberté (2022) de Farzad JAFARI suit les négociations menées par trois femmes pour sauver  la vie des condamnés à mort pour meurtre. Selon la coutume en Iran, la famille de la victime peut se prononcer après le verdict officiel, pardonner ou non le meurtrier. En échange du pardon leur sera versée une somme d’argent appelée « le prix du sang ». La détermination, le pouvoir de persuasion et l’humanité des trois militantes visent à écarter la vengeance et à obtenir le consentement des proches des victimes.

Nomad Girl (2021) de Rouhollah AKBARI a pour protagoniste Sousan Rashidi, championne en kickboxing et enceinte de sept mois, qui retourne dans la province de Kermanshah à l’ouest de l’Iran afin d’apprendre ce sport aux filles nomades de sa tribu Zuleh. L’intrigue consiste à convaincre les pères de laisser leur fille s’entraîner au kickboxing sous une tente noire. Dans des paysages arides, la bonne volonté de l’athlète se confronte aux pratiques et croyances ancestrales. L’intérêt ethnographique du documentaire est évident.

& Destinée (2022) de Yaser TALEBI se passe dans la province de Mazandéran au nord de l’Iran où, après la mort de sa mère, Sahar doit choisir entre rester au village pour s’occuper de son père handicapé et partir à Sari pour faire des études à l’université. Dans la sélection, c’est probablement le documentaire qui se rapproche le plus de la fiction. La caméra n’est pas si neutre. Le choix des scènes, le découpage des plans font progresser la trame narrative, tendent vers la résolution du dilemme.

Cinema Rex (2021) de Mitra Mehtarian & Sadegh DEHGHAN revient sur le tragique incendie du Cinéma Rex à Abadan qui eut lieu le 19 août 1978 et dont certains aspects ne sont toujours pas élucidés. Quarante ans après les faits, les documentaristes conduisent l’enquête en filmant la ville d’Abadan par endroits toujours ravagée depuis la guerre contre l’Irak, en interrogeant les familles des victimes, en intégrant les images du procès de 1980 ainsi que des articles et photos de presse.

Isatis (2020) de Alireza DEHGHAN explore la ville antique de Yazd qui s’étend dans le désert iranien avec ses constructions en terre, ses badguirs ou tours de ventilation, ses qanats d’irrigation, ses rites, légendes et trois religions (islam, zoroastrisme, judaïsme). Les plans grandioses et les voix off du vent, du feu, de l’eau et de la terre contribuent à mystifier l’épopée de l’humanité en cet endroit du globe. Véritable livre d’images.

Mahir (2021) de Massoud DEHNAVI filme le désastre causé par l’inondation d’un village en Turkmen Sahra auquel doit faire face Mahir, rentré d’Istanbul pour assister au mariage de sa sœur, qui se retrouve à organiser des secours et à construire des digues. L’urgence de la catastrophe naturelle révèle la déficience des autorités et salue le courage humain.

& Forteresse éternelle (2022) de Farshad FADAIAN décrit un système d’irrigation millénaire pour une ferme dans le désert.

Le jury, pour cette seconde édition de « Regards d’Iran », est constitué de : Françoise Objois, journaliste culture presse écrite et radio ; Mohammed Tayyeb, directeur du cinéma iranien Art et Expérience ; Isabelle Vayron, photoreporter et documentariste ; Didier Pardonnet, enseignant en cinéma et acteur culturel ; Setareh Pirkhedi, installée en France depuis 2017 et collaboratrice de scénarios. La remise des Prix aura lieu au cinéma L’Entrepôt le dimanche 5 février 2023 à 19h30.

©Esther Heboyan, janvier 2023


[1] Entretiens avec Michel Noll réalisés le 09/01/2023 et le 15/01/2023 par téléphone.

[2] L’Entrepôt, 7 rue Francis de Pressensé, 75014 Paris.

Abnousse Shalmani, Femme d’influence culturelle 2022

Bien en place est très heureuse et fière de relayer ce très beau prix remis à notre chère Abnousse Shalmani : « Femme d’influence culturelle 2022 ». Ecrivain qui nous a tant ému et fait réfléchir dans ses romans comme dans ses essais, Abnousse Shalmani trempe sa plume engagée dans une encre sans compromission et exigeante. Elle est en outre devenue une journaliste de conviction sur LCI, dont la clarté des analyses et les combats fasse aux mensonges, intégrismes et idées reçues ou faciles force notre respect. Son intégration au Cercle des femmes d’influence est un immense motif de satisfaction dans un contexte, qui plus est, marqué par la lutte des femmes et du peuple iranien. Bravo chère Abnousse pour cette belle récompense qui donne de l’espoir.

La rédaction de Bien en place.

Sortie événement des « NUITS DE MASHHAD » d’Ali Abbasi avec Zar Amir Ebrahimi

Ce mercredi 13 juillet 2022 – date qui porte chance ! – est sorti sur les écrans le troisième film du réalisateur iranien Ali Abbasi : Les Nuits de Mashhad (Holy Spider). Il avait été présenté au Festival de Cannes 2022 avec le bonheur que l’on sait, son actrice principale, notre étincelante amie Zar Amir Ebrahimi, recevant le Prix d’interprétation féminine pour sa performance dans le rôle de la journaliste Rahimi, sur les traces d’un sérial killer fanatique prétendant œuvre divine en assassinant les prostituées qui, à la tombée de la nuit, investissent certains trottoirs de Mashhad, ville davantage connue pour être le centre religieux du pays. En mai dernier, quel honneur ce fut, pour Bien en place, que de faire la montée des marches de l’avant-première aux côtés de l’équipe de ce film qui demeure comme l’un des plus importants du Festival de Cannes 2022.

Ali Abbasi, qui nous avait intrigués et éblouis en 2018 avec Border (Prix « Un certain regard »), œuvre transgressive à la singularité frappante, confirme son immense talent dans cette fiction courageuse et engagée. Dès la première séquence, de manière violente et prenante, le spectateur est plongé dans la vie d’une prostituée installée de Mashhad : violence du quotidien, mépris et hypocrisie des hommes, figure battue, déformée et angoissée de la femme… En quelques traits synthétiques, le réalisateur brosse le tableau d’un pays en crise, rongé par le poids des interdits et du silence qui rendent d’autant plus irrépressible l’expression du désir, réduit ici à l’assouvissement d’un besoin aussi brutal qu’inavouable.

Quel honneur, pour Bien en place, que d’avoir fait la montée des marches de « Holy Spider » 

Avec Les Nuits de Mashhad, Ali Abassi s’attaque donc à un sujet tabou sous la forme d’un thriller : la recherche effrénée d’un sérial killer voulant tuer toutes les femmes vivant dans le péché selon les règles islamiques. La course contre la montre et la chasse à l’homme constituent les lignes de force du genre. Mais l’essentiel n’est pas là. Ce film, tourné en Jordanie tant le scénario était inacceptable pour les autorités iraniennes, offre avant tout des portraits très poignants de ces femmes courageuses, s’effaçant ou tenant tête à leur agresseur, avec bravoure. Les corps de ces femmes martyrisées deviennent, dès lors, symboliques des violences subies par les femmes plus généralement, victimes de la dictature islamique. Mais ce long-métrage dénonce aussi la complaisance et même la complicité d’une partie de la société qui approuve, sans hésiter à le clamer haut et fort, le courage de ce justicier, porté, pour certains, à la hauteur d’un authentique martyr. La dernière séquence est à ce titre admirable et à couper le souffle tant elle laisse planer les dangers du fanatisme dans un monde futur aux contours incertains.

« Les Nuits de Mashhad », aux côtés de l’équipe de ce film qui est l’un des plus importants du Festival de Cannes 2022.
With Ali Abbasi

Au cœur du film et de l’enquête, l’actrice Zar Amir Ebrahimi, qui elle-même a dû fuir l’Iran, étincelle et bouleverse par son charisme, son implication et sa capacité à émouvoir le spectateur, sur un sujet aussi vital pour la lutte en faveur de la liberté et des droits humains. Le personnage qu’elle incarne – tout comme elle – n’a pas froid aux yeux et n’hésite pas à combattre les limites de l’impossible pour que justice soit faite. Son prix d’interprétation féminine, amplement mérité, a eu une résonance particulière à la lumière de son parcours : la soir de la cérémonie fut très chargé en émotion tant on sentait combien cette récompense revêtait un caractère fort et symbolique pour Zar et bien des femmes dans le monde. Un immense bravo et longue vie à ce film.


Joie et fierté d’être si proches de @zaramirebrahimi lors de la Cérémonie de clôture du Festival de Cannes 2022

Joie et fierté d’être si proches de @zaramirebrahimi lors de la Cérémonie de clôture du Festival de Cannes 2022

Nous avons été très heureux de fêter, à Paris, la grande victoire de Zar en compagnie de l’artiste et dessinateur Jul, d’Audrey Azoulay, directrice générale de l’Unesco, Bruno Patino, président d’Arte, Caroline Fourest, journaliste et réalisatrice, et d’une pléiade d’ami et amies qui ont rendu la soirée inoubliable.

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La rédaction de Bien en place.

Sortie en salle dans toute la France du film Les Nuits de Mashhad

Elvis de Baz Luhrmann, Long Live the King & Austin Butler !

Évidemment, ce biopic sur le King du Rock ‘n’ Roll (magistralement interprété par Austin Butler) ne plaira pas à tout le monde. Trop déjanté, diront les uns. Trop long, diront les autres. Pas toujours véridique, ajouteront les détracteurs de Baz Luhrmann. Elvis, à quoi bon ? s’interrogeront les contempteurs d’Elvis.

Mais Elvis de Baz Luhrmann, peut aussi enchanter le public, qu’il fût fan du King ou non.

Parce que la musique fait virevolter le film, fait chavirer les images. Les plans se succèdent à coups de happening rythmé. Gospel, blues, rock vous empoignent et vous emportent. Une congrégation pentecôtiste, Sister Rosetta Tharpe, Little Richard, B.B. King qui cause sur Beale Street …Le cinéaste australien s’est beaucoup documenté sur l’histoire du Sud profond et sur le parcours d’Elvis Aaron Presley né dans une petite ville du Mississippi qui, se rêvant chanteur à Memphis où il travaille comme camionneur, surprendra le bonimenteur de fête foraine Tom Parker (Tom Hanks défiguré pour jouer le méchant) avant de surprendre l’Amérique. Le reste est légende – voix sensuelle, déhanchement impudique, sourire en coin, des millions de disques vendus à travers le monde, mariage et séparation avec Priscilla (Olivia DeJonge), Graceland en son décor fabuleux, Las Vegas et le King sur son déclin.

La fin, contée par le truculent Parker, est dans le commencement. Le déroulement de l’histoire n’en sera que plus tragique. De ce procédé inhérent à la tragédie grecque et déjà à l’œuvre dans son ambitieux Gatsby le Magnifique (2013), Baz Luhrmann fait un usage impétueux, endiablé, exalté. La fiction est tellement saturée d’informations qu’elle dépasse le documentaire Jerry Lee Lewis : Trouble in Mind (aussi présenté à Cannes) que consacre Ethan Coen à l’autre icône américaine du rock. Transitions abruptes, ellipses narratives, multitude de personnages, divisions de l’écran pour traduire la simultanéité ou la successivité, feu d’artifice de couleurs, kaléidoscope visuel, déchainement sonore. Luhrmann relate le destin d’Elvis en accéléré. On ne saisit pas tout, mais peu importe. On s’interroge sur l’utilité de telle ou telle scène, mais peu importe.

L’essentiel est dans la fougue et la voix d’Elvis. Et en cela le choix d’Austin Butler fut parfait. Voici un acteur qui, par-delà l’artifice du maquillage et l’outrance des costumes, se révèle être d’abord le bel Elvis, adulé par les jeunes filles niaises ou pas, critiqué par l’Amérique blanche et bien-pensante des années 1950, pour ensuite se transformer en un Elvis difforme, disgracieux qui mourra d’épuisement à 42 ans. Outre la gestuelle sur scène et l’accent du Sud, la prouesse d’Austin Butler réside aussi dans sa voix, tantôt langoureuse tantôt surexcitée. L’acteur chante les chansons du King. C’est à s’y méprendre. Le résultat de deux années de travail, explique Butler. C’est bien Austin qui chante, précise le réalisateur.

À Cannes, à la sortie de la conférence de presse, Austin Butler, accompagné de Baz Luhrmann, se prête au jeu des selfies et des autographes. Avec modestie, avec le sourire. Pour l’heure, il n’a pas pris la grosse tête. Tassée derrière le cordon de sécurité, la foule le réclame, l’idolâtre. Les jeunes filles ne peuvent  avoir connu Elvis. Elles n’ont d’yeux que pour Austin. Long live Austin ! On ne voudrait pas que malheur lui échoie. Il a l’air si beau et si frêle dans son costume deux-pièces et sa chemise entrouverte. Et cette coiffure rétro légèrement bombée au-dessus du front, d’une étincelante dorure. 1956 : Chuck Berry, en quête de rhythm and blues, chantait Roll Over, Beethoven. 2022 : Austin Butler entre Cannes et Los Angeles : Roll Over, Brad Pitt & Leonardo Di Caprio.

Lorsqu’Austin Butler passe devant moi, je me hâte de le féliciter pour son interprétation. Il s’arrête quelques instants sur les marches qui le conduiront à l’ascenseur réservé aux  V.I.P. Butler semble sincèrement ému par tant de sollicitude. Il répond simplement : « Thank you. Thank you. » Butler a déjà joué dans Once Upon a Time… in Hollywood de Quentin Tarantino. Et il a déjà une longue carrière à la télévision. Mais Elvis de Baz Luhrmann, c’est peut-être le rôle de sa vie qui lui rapportera peut-être un Oscar. Quoiqu’en disent les critiques déçus par le film de Baz Luhrmann (Libération à la sortie du film en France le 22 juin, The Guardian après la projection au Festival de Cannes), une étoile est née.

Esther Heboyan, 2022

http://eurojournalist.eu/plein-ecran-le-festival-de-cannes-est-termine/?fbclid=IwAR1ugpcTdzf-bkmeoJdyZVrVFD_dOpD8cHg90-1YGJNYTFJUm_D1ylfZpH8