Cannes sur la corde sensible : un sublime Day Two

    

Un vent de liberté et de sensibilité a soufflé sur le Festival de Cannes en cette seconde journée du mercredi 9 mai 2018. Dans la sélection UN CERTAIN REGARD, Rafiki a emporté le cœur des spectateurs. Tourné à Nairobi au Kenya, le film retrace une histoire d’amour interdite entre deux femmes, Kena et Ziki, qui doivent affronter l’intolérance et l’homophobie d’une société qui les rejette violemment. Dès l’ouverture, la caméra se promène allègrement dans les rues de la ville : la narration est présentée depuis le point de vue de Kena, qui aime à circuler en skate board dans son quartier. Des instantanés très colorés défilent, donnant envie de croquer dans ce film vivant et de s’attacher aux personnages, notamment les deux héroïnes de ce drame. La grande force du long-métrage repose d’ailleurs sur l’interprétation des actrices, touchante, sensible et juste ; donnant de la chair et de l’humanité à un scénario hélas parfois un peu cliché, ce qui n’enlève rien aux qualités d’une œuvre qui lève le voile sur un pays – voire un continent – pas suffisamment présent sur les écrans français.

  

Photo Gilles Kyriacos

Direction ensuite le tapis rouge, pour un film qui a déclenché une standing ovation de plus de quinze minutes dans le grand théâtre des lumières : Yomeddine, premier long-métrage de l’égyptien A.B Shawky. Pour une première, la réussite est des plus totales. L’épopée invite à suivre les pas de Beshay, un lépreux qui suite au décès de sa femme décide de traverser son pays pour retrouver son village d’enfance et les siens. Il est accompagné dans son périple périlleux par Obama, un jeune garçon noir et malicieux qui considère Beshay comme son père, étant orphelin. Leur expédition est des plus fragiles, se lançant sur les routes avec un âne et une charrette de fortune. L’humanité qui se dégage de Yomeddine et de la galerie de portraits qu’il propose, au hasard des rencontres en chemin, en font un film qui reste en mémoire ; on aurait envie de continuer notre route avec eux ! L’œuvre est un appel à tordre le cou aux préjugés et à l’intolérance ; le montage offre une fluidité dans les enchaînements qui permet de se sentir toujours au cœur du voyage. Les séquences de rêve, particulièrement saisissantes, ajoutent à l’émotion, au vertige et illustrent la profonde dureté et beauté de la vie.

  

Photo Gilles Kyriacos

Dernier tapis rouge de la journée pour LETO – L’été du russe Kirill Serebrennikov. La projection était particulièrement émouvante en raison de l’absence du réalisateur, assigné en résidence en Russie. Un panneau en guise de protestation a permis à cette avant-première de prendre des allures de manifeste politique et a envoyé un message fort aux pouvoirs qui prétendent brimer, par tous les prétextes, la liberté artistique.

  

Photos JB Chantoiseau

La transgression est d’ailleurs omniprésente dans ce film situé à Léningrad au début des années 1980 et dont l’ambition – réussie – est de témoigner de la soif de liberté, de création et d’expression de jeunes rockeurs, vivant aux marges d’une société dominée par l’idéologie communiste et sa censure permanente. La direction photographique du film est tout à fait remarquable, tout comme le montage et le découpage ; les séquences où, sur le seuil de plusieurs réalités, les personnages passent d’un monde à l’autre et s’envolent pour exprimer leur rage ou se fondre dans l’infini de la mer, proposent des moments de respiration, d’imagination et de poésie qui nous font croire, encore, en la puissance du septième art.

Photo Samina Seyed – https://www.instagram.com/saminasyd/?hl=fr

La rédaction de Bien en place

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